Filiations… Duo musical post impressionniste… quand la musique rencontre la peinture !




Le merveilleux duo Les Cordes vives
(Béatrice Marceaux, violoncelle et
Nicolas Marceaux, piano)
propose à la Chapelle de Peipin
un concert virtuose et très original.
« Filiation(s) » met en avant les liens étroits qui existent entre les compositions de grands musiciens comme Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré ou Nadia Boulanger, et les toiles très innovantes pour l’époque, de peintres postimpressionnistes comme Paul Gauguin, Paul Cézanne ou Vincent Van Gogh.
Un choix judicieux d’œuvres (Romance Op. 36 de Saint-Saëns, Sonate pour violoncelle et piano N°2 de Fauré ou trois pièces pour violoncelle et piano de la compositrice Nadia Boulanger) met en lumière ces liens esthétiques faits de nouveaux sons, de nouvelles techniques, de palettes harmoniques osées, qui rappellent les jeux de lumière de ces grands peintres.
Béatrice Marceaux au violoncelle et son compagnon Nicolas Marceaux au piano ont voulu aussi mettre en avant un compositeur contemporain, Stéphane Delplace (né en 1953), qui lui revendique également un désir constant d’innovation et d’expression personnelle, comme l’avait fait Seurat ou Toulouse-Lautrec.
Outre les liens esthétiques et instrumentaux qui les unissent, ces personnalités se situent entre tradition et avant-gardisme, jalonnant deux siècles musicaux de leurs sensibilités artistiques uniques, dans une mouvance délibérément tonale, assumée sans être complaisante.
Si l’on considère le courant postimpressionniste comme un état d’esprit qui pose les jalons d’un renouveau esthétique, nombreuses seront les correspondances avec nos quatre musiciens.
Chez Saint-Saëns, c’est notamment l’approfondissement des textures orchestrales qui préfigure l’utilisation de techniques nouvelles en peinture (pointillisme, traits visibles, touches épaisses…).
Fauré, dans l’utilisation d’une palette harmonique subtile et nuancée, rappelle les jeux de lumière et les variations de couleurs utilisées par Cézanne et Matisse par exemple.
Nadia Boulanger a su intégrer les innovations musicales de son époque à son extrême sensibilité, dans une recherche permanente de subjectivité, tel Van Gogh.
Enfin, Stéphane Delplace, s’il n’est pas contemporain de ce courant, s’y intègre indirectement dans ses aspirations compositionnelles : exploration des textures et des timbres, utilisation audacieuse de l’harmonie, ouverture à différentes influences et un désir constant d’innovation et d’expression personnelle, qui synthétisent la ligne de conduite de bien des artistes, tels Seurat, Toulouse Lautrec
Une soirée d’art « total »
pour combler tous les sens
ou en tous cas une grande partie !
Réservation indispensable :
lachapellepeipin@gmail.com
ou au 06 10 28 95 52.
Entrée : 15 €
Duo Les Cordes Vives
Béatrice et Nicolas Marceaux ont créé en 2010 le duo Les Cordes Vives afin d’explorer le très vaste répertoire de sonate pour piano et violoncelle. Lauréat du Mécénat Musical Société Générale, ils se sont formés auprès de Paul Meyer, Éric Le Sage ou encore le Quatuor Ysaÿe.
Leur duo se produit régulièrement à Paris et en province dans des programmes éclectiques : interpréter des œuvres moins célèbres ou encore contemporaines occupe une place privilégiée dans le répertoire du duo Les Cordes Vives.
Béatrice Marceaux, violoncelliste
Titulaire d’un Master d’interprète du CNSMD de Lyon et d’un Diplôme de concertiste du CRR de Paris en violoncelle baroque, Béatrice a également remporté le 2è prix du Concours de Cordes d’Epernay.
Elle est régulièrement invitée à jouer au sein de l’orchestre National d’Ile de France, de l’Opéra de Rouen-Normandie, ou encore de l’Orchestre de Chambre de Toulouse comme violoncelle solo.
Béatrice se produit également fréquemment avec le quatuor Les Horizons, qu’elle a fondé en 2021.
Pédagogue engagée, Béatrice est titulaire du Certificat d’Aptitude et enseigne au Conservatoire de l’Haÿ-les-Roses.
Nicolas Marceaux, pianiste
Après l’obtention d’un 1er Prix à l’unanimité en piano et en musique de chambre de la Ville de Paris, Nicolas s’est perfectionné à la Haute Ecole de Musique de Genève et y a obtenu le Diplôme de Concert. Intéressé par l’univers poétique de la mélodie et l’accompagnement de chanteurs, il a également obtenu un Master 2 « Art du récital » de la Sorbonne Nouvelle.
Nicolas se produit régulièrement comme pianiste chambriste dans diverses formations allant du duo au sextuor, mais aussi en piano à 4 mains.
Il est également passionné par la pédagogie et titulaire du Certificat d’Aptitude. Il enseigne au Conservatoire d’Alfortville.
PROGRAMME
Camille Saint-Saëns (1835-1921) : De 1861 à 1865, il est professeur de piano à l’École Niedermeyer où il a entre autres Gabriel Fauré comme élève. En 1871, il fonde la Société nationale de musique avec Romain Bussine, Alexis de Castillon, Gabriel Fauré, César Franck, Louis Lalo. La société encourage la musique française et créera des oeuvres de Saint-Saëns, Chabrier, Debussy, Dukas et Ravel. Jusqu’en 1877, il est organiste de l’église de la Madeleine à Paris. Compositeur aussi prolifique que célébré de son vivant, il voyage dans le monde entier et compte près de 200 œuvres à son catalogue.

Romance pour violoncelle (ou cor) et piano op. 36 en ré majeur :
Achevée et publiée en 1874, cette courte romance valorise le chant de l’instrument soliste avec lyrisme et délicatesse. Les deux instruments dialoguent dans une atmosphère intimiste. Pièce de salon par excellence, Saint-Saëns y développe une palette de nuances motivées par l’expressivité, tendre dans son idée première, plus passionnée en sa partie centrale, au sein d’une structure tripartite certes consensuelle mais Ô combien efficace !

Gabriel Fauré (1845-1924) : Elève de Camille Saint-Saëns à l’école Niedermeyer à Paris, puis professeur de composition au conservatoire de Paris et directeur du même établissement, il compte parmi ses élèves Georges Enesco, Maurice Ravel, et Nadia Boulanger. Pendant la Commune de Paris, il enseigne à l’École Niedermeyer. Il participe régulièrement au salon de Saint-Saëns et de la célèbre chanteuse Pauline Garcia-Viardot, où il rencontre les principaux musiciens parisiens de l’époque, avec qui il forme la Société nationale de musique. En 1874, Fauré arrête de travailler à Saint-Sulpice et remplace Saint-Saëns, qui est souvent absent, à l’église de la Madeleine. Lorsqu’il est nommé directeur du Conservatoire de Paris, il procède à de nombreux changements (parfois controversés), rétablissant discipline et sérieux à un enseignement qui paraît-il avait beaucoup vieilli. Son catalogue abonde d’œuvres pour piano, intimistes, parfois appelées pièces de salon : barcarolles, nocturnes, arabesques, impromptus, ballades… Il façonne un langage musical qui lui est propre, des enchaînements harmoniques que l’on qualifie encore aujourd’hui de « fauréens », situant son œuvre en marge des courants émergeants (dodécaphonisme, polytonalité…).
Sicilienne pour violoncelle et piano op. 78 en sol mineur :
initialement composée en 1893 pour une version non achevée du drame « Le Bourgeois gentilhomme » de Molière, cette Sicilienne est une pièce emblématique de la musique française de la fin du XIXe. Adaptée pour diverses formations, elle est souvent interprétée pour flûte et piano ou violoncelle et piano. Avec son caractère pastoral et son rythme dansant, typique de la sicilienne traditionnelle, elle déploie une mélodie tendre, toute en grâce mélancolique. Cette pièce demeure un joyau du répertoire de musique de chambre, appréciée tant pour son charme que pour sa beauté intemporelle.
Sonate pour violoncelle et piano n°2 opus 117 en sol mineur :
Gabriel Fauré nous livre une deuxième sonate pour violoncelle et piano insouciante et lumineuse. Alors qu’il l’ébauche, en mars 1921, Fauré songe à la Sonate pour violoncelle et piano no 1 de Saint-Saëns, « un chef-d’œuvre que l’on a entendu que trop rarement, et cela parce que les violoncellistes prétendent que la partie de violoncelle est moins brillante que la partie de piano !», écrit-il à Paulette Mayer.
À l’heure où le monde musical parisien découvre la polytonalité, Fauré se montre fidèle à lui-même et console les nostalgiques de la Belle Époque, tel Vincent d’Indy : « Je veux te dire combien je suis encore sous le charme de ta si belle Sonate de violoncelle. J’ai trouvé là-dedans : la Musique que l’on semble oublier à présent en tâchant d’y substituer des agglomérations de sons plutôt désagréables. Ton andante est un chef d’œuvre de sensibilité expressive, et j’aime infiniment le final, si alerte et si prenant » (14 mai 1922).

Nadia Boulanger (1887-1979) : enseignante légendaire, comme en témoignent certains de ses élèves Jean Françaix, Aaron Copland, Pierre Henry, Philip Glass, Astor Piazzolla, Quincy Jones… ainsi que ses amis Paul Valéry, Claude Debussy, Igor Stra-vinsky… « Je l’aimais autant que je la haïssais », disait d’elle le compositeur Michel Legrand, qu’elle tenta (sans succès) de détourner du jazz. Cette pédagogue hors pair, aussi terrifiante (car tyrannique) que stimulante, dictait l’enthousiasme autant que la rigueur. Dans une émission radiodiffusée en 1974, elle s’exprime en ces termes concernant la musique de Fauré : « Je venais de voir avec mes élèves des mélodies de Fauré, que souvent je garde dans le silence de peur qu’on ne les comprenne pas bien. Tout d’un coup je me suis avisée qu’il fallait oser en parler». De ce dernier, elle vante aussi « la personnalité si étonnante, si réservée ». Tout en exhortant à considérer l’écoute musicale comme « une source de bonheur, pas d’application ou de théorie », elle ose donc dire tout le bien qu’elle pense de certains morceaux : de la Cantate BWV 70 de Bach, « qui nous transporte dans un monde d’extrême subtilité », au Quatuor « Les Dissonances », de Mozart, « qui commence par l’une des pages les plus mystérieuses de la musique ». Elle loue Seven Tears, de John Dowland (« vous devez en apprécier le charme et la réflexion»), ou encore le « dessin acéré, souple » de Danseuse, de Fauré.
Trois pièces pour violoncelle et piano en mi bémol mineur :
Ces pièces ont d’abord été composées pour orgue seul. Sur son manuscrit original, la première, en mi bémol mineur, se nomme Improvisation ; la deuxième y est titrée Prélude. Enfin, la troisième est désignée comme une Danse espagnole. Le passage à la formation violoncelle-piano renforce la filiation que ces pièces entretiennent avec la production de Gabriel Fauré, professeur de composition de Nadia Boulanger au Conservatoire. L’expressivité sereine de la première ; la douce mélancolie de la deuxième ; ou encore l’espièglerie de la dernière, semblent autant d’échos à la musique de chambre du compositeur.

Stéphane Delplace (né en 1953) étudie le piano avec Pierre Sancan, puis fait ses classes d’harmonie, contrepoint, fugue, et orchestration au Conservatoire de Paris, s’initiant parallèlement à l’orgue auprès de Jean Galard à la Ville de Paris. Il commence à écrire au milieu des années quatre-vingt avec la ferme conviction, alors peu répandue, que la musique tonale recèle une infinité de contrées inexplorées. Il ne se départira jamais de cette ligne, sa musique plongeant notamment ses racines dans celle de J.S. Bach, J. Brahms, G. Fauré, M. Ravel, S. Prokofiev… Cette détermination le tiendra naturellement éloigné des cercles officiels de la musique contemporaine. Il rejoindra en 2000 le groupe Phoenix, fondé par Jean-François Zygel et Thierry Escaich afin de proposer une alternative à la musique institutionnelle. Il enseigne l’écriture à l’École Normale de Musique et à la Schola Cantorum.
Sonate pour violoncelle et piano :
Une harmonie singulière, (presque « fétiche » apparue dès les premières œuvres à caractère contrapuntique) est omniprésente dans le premier mouvement (Poco allegro), où alternent curieusement une atmosphère debussyste et une autre plutôt brahmsienne, voire schubertienne. Le second mouvement (Dolce espressivo), qui ne se défend pas de regarder vers Bach, le fait néanmoins dans un étrange et doux balancement à 5/8, bousculant du même coup certains repères temporels. Le troisième mouvement est un Allegro, dont le thème est basé sur une courte proposition en syncope et son miroir, soutenue elle aussi par ladite harmonie «fétiche». Le motif en sera repris en diminution dans la partie centrale, jusqu’à donner lieu à un choral, avant de retrouver les éléments du début. Il figure aussi le sixième des huit mouvements du Mythe de Sisyphe.
La Sonate fut créée par les dédicataires en 2018. Comme exprimé dans un récent essai écrit par le compositeur, ce manifeste que n’aurait peut-être pas désavoué Nadia Boulanger au XXIe siècle : « Nul relais donc à prendre des mains de qui que ce soit en particulier, il ne s’agit plus dorénavant que de nourrir son oreille avec ce qui la touche réellement, personnellement, sans aucune discrimination d’époque ni de lieu, et de forger ainsi patiemment son propre style ; celui-ci étant la somme d’une infinité de détails auxquels s’attache spécifiquement chaque compositeur».
